« La Prédication de Saint-Étienne à Jérusalem » tableau d'un peintre italien du XVe siècle. Ce tableau ne vous dit probablement rien. Et pourtant... Comment un artiste vénitien mort en 1525 s'est-il retrouvé associé à un plat de viande inventé un demi-millénaire plus tard ? Pour trouver la réponse, il faut retourner à Venise, un midi de 1950 au Harry's Bar, un restaurant tenu par le chef Giuseppe Cipriani.

Ce jour-là, y déjeune la comtesse Amalia Nani Mocenigo. La notable est fortement indisposée par des maux de ventre chronique. Aussi, sur les conseils de son médecin, nombre de légumes et de viandes cuites lui sont interdits. Elle en informe donc le chef. Cipriani fouille sa carte et son garde-manger mais reste dans l'impasse. Un avis négatif d'une telle cliente aurait des conséquences désastreuses pour le restaurant. C'est alors qu'il tente son va-tout. Dans une assiette, il dispose de fines tranches de boeuf crues qu'il parsème de parmesan. Bien assaisonné, il envoie le plat en salle.
Quelques fourchettes plus tard, la comtesse demande à parler au chef Cipriani : elle a littéralement adoré ce plat mais... « Au fait, chef Cipriani, quel est le nom de ce plat ? » Pris au dépourvu, Giuseppe Cipriani improvise et donne à son plat le nom d'une exposition en vogue à Venise et rassemblant plusieurs oeuvres de Vittore Carpaccio, dont il est vrai que le rouge très vif de ses oeuvres ne sont pas sans évoquer le rouge de la viande crue.

Aujourd'hui, le « carpaccio » est mis à tous les types de mets, salés ou sucrés, (légumes, viandes, poissons, fruits) avec plus ou moins de bonheur !